Après une bonne nuit de sommeil et un petit-déj’ copieux nous voilà de retour dans ce Parc des Expositions. Il est 14h05, et dans une dizaine de minutes on est partis pour plus de onze heures de concerts non-stop : punk, hardcore, metal… Ça va piquer. Pour ceux qui ont passé une nuit Xtreme au camping ça pique sûrement déjà. D’autres, au contraire, viennent d’arriver ce samedi, frais comme des gardons à l’entame de cette grosse journée, très attendue par les nombreux fans de NOFX. Entre autres.
Smashed déboule sur la X Stage sous la chaleur, ce qui a de quoi surprendre vu l’été bien pourri qu’on se farcit. Les co-vainqueurs du Tremplin Xtreme Fest annoncent qu’ils « représente[nt] la Bigorre ». Cependant les mecs ne sont pas là pour te vendre des haricots tarbais mais te balancer une purée death metal qui tâche. Les titres des morceaux sont annoncés avec une voix d’outre-tombe, comme la tradition l’exige, et en tendant un peu l’oreille on découvre le penchant du groupe pour le crado : « Anal Blast », « Hellzheimer », un hommage au film Street Trash… Il n’est donc pas étonnant que nos cages à miel robustes se mettent à vibrer au son d’un death metal tendance Cannibal Corpse early nineties, toujours marqué par le thrash et pas encore trop brutal. Son grave, rapidité, riffs acérés, vocaux ultra gutturaux parfois carrément porcins : malgré l’absence de son bassiste, Smashed joue avec ardeur et nous révèle un haut niveau technique. Une purée tomato-ketchup aux petits oignons, en somme. Un jeune groupe à soutenir après sa première démo 5 titres.
En route pour une autre découverte sur la Zguen Stage, à son tour plongée dans les années 90 dès l’instant où Woodwork commence à faire cracher les amplis. Mais attention, les toulousains sont dans un registre tout à fait différent puisqu’ils jouent du vegan hardcore new school, comme disent les anciens combattants. Et oui parce qu’il fut une époque où new school n’était pas synonyme de metalcore, et que chez de nombreux groupes LE SON HARDCORE avait autant à voir avec le noise rock que le metal. Pour notre grand plaisir Woodwork nous agresse direct avec un son bien rugueux. Manque juste une batterie qui claque un peu plus les watts, mais on est dedans quand même, les poings serrés. Des moulinets s’activent au sein d’un public qui s’active sur une poignée de mosh parts mais pas uniquement, car la tension est permanente, l’énergie communicative.
Le chant principalement hurlé fait forte impression et répand un sentiment de révolte tout aussi dangereux que salutaire. Car comme en témoigne le T-shirt Catharsis « No Gods No Masters » porté par et avec conviction, Woodwork est un groupe engagé (en faveur des droits des animaux notamment) dont le discours est au centre de la musique. Nicolas (chant) nous parle d’immigration ou de la Palestine – avec intelligence d’ailleurs. Applaudissements à l’annonce d’un reversement de recettes au profit de la population de Gaza. Ça fait du bien d’entendre tout cela, parce que les zombies le gore l’alcool et la fiesta, c’est sympa mais bon ça va pas changer le monde ni redresser nos âmes en déroute. 15h08 : fin. C’était très bon. Ces mecs nous ont offert un des temps forts de la journée, eux pour qui hardcore et DIY seront toujours synonymes d’indépendance radicale, de défiance et de colère. OK on n’est pas dans un rassemblement anarcho-punk, mais c’est quand même un peu dommage de constater qu’ils font presque figure de mouton noir dans un festival regorgeant de groupes punk et hardcore…
Retour sur la X Stage et encore une fois changement total d’ambiance avec Smoke Deluxe qui remplace Straightaway. Hier nous avions assisté à seulement quelques minutes de la prestation des basques; après un bref ravitaillement on ouvre aujourd’hui grands les yeux et les oreilles. Bon, on va pas se mentir : après Woodwork pas évident de se plonger dans leur hard-rock enfumé, composé de titres tels que « Rock Drink Fuck Die » (c’est simple la vie finalement). Nous faudrait peut-être deux-trois rasades de Jack Daniel’s. Son Jack, Smoke Deluxe le mélange à du punk rock, y ajoute un zeste de heavy metal, le boit cul sec avant d’allumer une clope. Rock’n’roll. Le chant, appuyé par des chœurs, est très mélodique, tandis qu’un mégaphone est employé avec parcimonie, pour le côté bruyant. La rythmique est béton notamment grâce à Iñaki Plaa, épatant batteur qui envoie du bois comme dans un concours de force basque. Très bon son et ambiance bien cool. Cette jeune bande de rockeurs virils se révèle être une sympathique découverte, même si pour la mener on aurait préféré une voix éraillée à la Zeke, ou carrément à la Motörhead.
On passe pour l’instant un très bon après-midi et ça va continuer avec Homesick sur la petite Zguen Stage. Casquette à l’envers, croix dessinées sur le dos de la main, le jeune chanteur du groupe nous renvoie à une autre époque, celle d’un hardcore straight edge, positif, conscient et résolument DIY. Ces gars-là nous viennent d’Angers mais on les verrait bien jouer dans un club +21 de la East Coast. Ça joue du punk-hardcore pour nous « sortir de la morosité du quotidien », c’est frais, le son est excellent, on a envie de se transformer en balle rebondissante et de participer au sing-along de « The Good Days Are Far Now ». Les chœurs et le rythme endiablé foutent la patate, entre deux assauts racisme sexisme et homophobie sont taclés à la carotide. C’est pas parce que c’est mélodique que ça va parler de champs de coquelicots. Homesick, une cure de jouvence de laquelle on sort réenchantés, désireux de retrouver ses amis pour partager des joies simples et refuser la fatalité. Curieusement c’est dans un moment de félicité qu’on choisit de faire le mouton, partant à la moitié du set pour le premier concert sur la Main Stage. Choix qu’on regrettera bientôt…
Cinquième groupe de la journée et cinquième ambiance différente, puisqu’on passe d’un hardcore mélo à la Lifetime à un hardcore tough guy à la Throwdown. Grand écart. En effet les locaux de Black Knives ne pensent qu’à une chose : te faire mosher sur leurs nouveaux titres farcis de riffs meurtriers et de breakdown propulsés par une décharge d’infrabasses (une mode vraiment pénible soit dit en passant). Aucune mélodie, pas de chant clair – s’il était besoin de préciser. Baston générale et wall of death dans le cahier des charges. Le metalcore bien lourd des ex-8control penche même du côté de la sous-sous-catégorie beatdown, laquelle ferait passer Hatebreed et Terror pour des musiciens arty. A la base on n’est pas très fans de cette musique souvent dépourvue de message et de personnalité, même si en mode live on se laisse prendre au jeu. Mais quand en plus le son est une bouillie comme aujourd’hui dans ce Scénith, c’est pas possible… Rien à retenir de ce concert malheureusement, si ce n’est un tsunami de basses et le spectacle des karatékas. Au moins y en qui s’éclatent dans le pit. Trop tard pour assister à la fin d’Homesick. Séquence ennui. Dans d’autres conditions on aurait peut-être kiffé. Ou pas.
A la sortie on est un peu down mais Authority Zero va faire le nécessaire pour nous réveiller. Ça part tambour battant sur un punk rock à la limite du hardcore mélo, mais très rapidement on comprend que ce ce groupe qui nous vient d’Arizona a plus d’un tour dans son sac. Car si les fans de punk à roulettes s’excitent sur cette X Stage, guitare acoustique, ska punk et reggae font leur apparition dans le festival. Les plus chevelus parmi les chevelus s’en vont donc à la buvette, mais nombreux sont les curieux captivés par l’énergie de Jason DeVore, frontman qui a survécu aux importants changements de line up de ses dernières années. Descendant voir la foule lorsqu’il ne balaie pas la scène comme un essuie-glace, l’exhortant à faire plus de bruit, c’est lui qui va enflammer un public au départ un peu timide. Ce mec n’a pas une voix extraordinaire ni un charisme fou, mais quelle présence! On n’a vu que lui.
Après avoir eu l’impression de voir le Sublime du XXIème siècle (si t’écoutais Sublime au lycée tape dans tes mains, si t’écoutais…), Jason se fait pop singer à la voix légèrement rauque pour un morceau folk. Le son se met à partir en couille mais show must go on! Ça va durer quelques minutes l’histoire et ni les musiciens ni la technique ne semblent s’en inquiéter. Heureusement tout sera rétabli au cours de « The Rattlin’ Bog », chanson irlandaise interprétée par un Jason de feu, avec la grosse caisse pour seul accompagnement. Quel coffre! Applaudissements chaleureux. Ça continue sur du folk-rock, mais cette fois la promenade traîne un peu en longueur. Qu’importe, l’assistance est déjà conquise par ce groupe pas tout à fait comme les autres, et se tient dans les starting-blocks, prête à s’élancer au retour de la guitare électrique. Le concert se termine donc dans une ambiance festive et bon enfant, on aperçoit même une chenille (!) déambuler au rythme d’un punk rock fonceur. En dépit d’un set un peu décousu Authority Zero s’impose comme un groupe à la fois intéressant et attachant.
On se prend un petit quart d’heure pour souffler et se ravitailler avant Angelus Apatrida sur la Main Stage. La présence des espagnols illustre les bonnes relations entretenues avec le Resurrection Fest qui se tient en Galice au même moment; cette année de nombreux groupes sont présents sur les deux événements. Un guitariste a une jambe dans le plâtre mais les quatre thrasheurs sont en forme : circle pit dès le premier morceau! Encore une fois le son provoque des frayeurs, mais au bout d’une dizaine de minutes les choses semblent s’arranger, sauf pour le chant dont les envolées heavy ne seront pas vraiment mises à l’honneur. Dans un état d’esprit assez similaire à celui manifesté hier par Havok (« Corruption », « Fresh Pleasure » ou « Thrash Attack »), le combo formé au début du siècle fait sensation avec son thrash marqué au fer rouge par les années 80 (Megadeath, Metallica ou Testament). Les vieux de la vieille apprécient la haute qualité technique de l’ensemble et la forte empreinte speed metal, tandis que les moshers s’excitent sur des parties mid tempo ravageuses, tels des taureaux dans l’arène. Ainsi quand le batteur brandit des mailloches c’est pour planter quelques secondes plus tard les banderilles de l’excellent « You Are Next ». Fallait se méfier de l’intro.
Il est 18h30 et c’est débordant d’enthousiasme que l’on retourne sur la X Stage assister à la prestation d’autres espagnols : Berri Txarrak. Plus précisément et comme l’indiquent leur patronyme ainsi que le drapeau qui flotte au premier rang, c’est d’un groupe basque dont il s’agit. L’identité est forte puisque les textes sont entièrement chantés en euskara, et qu’on est en présence d’illustres représentants d’un « rock basque » influencé par une scène jadis radicale, n’hésitant pas à mélanger les genres et briser les codes. Depuis vingt ans le trio (là aussi une originalité dans ce fest) combine audacieusement rock indé, punk rock, post-hardcore et metal. Le charme ténébreux de Gorka Urbizu, guitariste-chanteur-leader dont la sobriété n’efface pas un certain charisme, attire comme d’habitude son lot de groupies, tandis qu’une poignée de fans essentiellement basques et catalans s’impatiente en première ligne. Pour le reste, ça n’est pas la bousculade dans la fosse : loin du 64 Berri Txarrak n’attire guère les foules.
C’est bien dommage car il n’y a pas que les yeux sombres de Gorka, il y a un vrai groupe (malgré les changement récents de batteur et bassiste) qui joue magnifiquement avec les émotions : la mélancolie tente de contrarier une force sauvage et rebelle, d’imparables refrains mettent tout le monde d’accord. Le rock tendu et poignant de « Albo, Kalteak » nous plonge tout de suite dans le vif du sujet : le son propre et puissant est l’un des meilleurs du week-end, le sentiment d’urgence est prégnant… On se met à suivre les nombreux changements de rythme avec le cercle d’irréductibles se trémoussant là-devant. Ça enchaîne rapidos avec deux titres aux riffs redoutables et au groove rappelant System Of A Down, puis sur les tubes « Jaio.Musika.Hil » (refrain en acier inoxydable) et « FAQ » (post-hardcore tubesque, crois-le ou pas). Le show est hyper bien huilé et ne laisse que peu de répits (de brefs remerciements au public et un mot pour la population de Gaza) : la maîtrise des gaziers saute aux yeux, eux qui enfilent les tournées comme des perles et qui ont bossé avec Steve Albini et Ross Robinson, excuse du peu.
Impossible de ne pas sautiller sur le rapide « Ez Dut Nahi », car outre la rythmique, la voix d’ado de Gorka apporte son éternelle fraîcheur, dessine des mélodies pleines de sincérité. Berri Txarrak fait la surprise de présenter un titre de son huitième album à paraître en fin de l’année : les années passent mais l’agressivité est toujours là, la passion intacte. La qualité du songwriting fait le reste. La recette ne change pas vraiment mais on en veut toujours de ce rock ultra-dynamique, sans vanité ni complaisance. Retour sur des classiques (super)power pop avant les mélodies frénétiques de « Denak Ez Du Balio », gonflées au punk-hardcore (sur l’original Tim McIlrath de Rise Against est invité). C’est finalement le musclé « Oihu » qui clôture une excellente setlist, bien sentie et équilibrée. Il n’y a malheureusement plus de place pour « Tortura Nonnahi », vieux succès hardcore / speed metal (euskal rock = WTF parfois). En dépit d’une performance solide et mature, les basques n’ont rencontré qu’un succès modeste, la faute à une timide notoriété dans l’hexagone, tout du moins insuffisante en cette fin d’après-midi chargée. Injuste et dommage au regard du spectacle proposé. Une grosse bouffée d’oxygène ce concert.
La setlist :
Albo, Kalteak
Stereo
Pintadek
Jaio.Musika.Hil
FAQ
Ez Dut Nahi
Etsia
Zertarako Amestu
Isiltzen Banaiz
Denak Ez Du Balio
Oihu
On tarde un peu à quitter la X Stage après cet excellent moment, pas de Youth Avoiders pour nous. Moment de quiétude au cours duquel on échange quelques mots avec d’autres aficionados. Le repos est de courte durée car bientôt c’est au tour des légendaires américains de Suffocation. On se dirige donc lentement vers la Main Stage pour revoir en chair et en os les auteurs de Human Waste (1991), souvent considéré comme le premier enregistrement de brutal death metal. Malheureusement le sourire et le charisme de Franck Mullen (vocaux de porc élevé au bon grain) ne sauveront pas un concert livré dans des conditions sonores désastreuses. Quelle que soit notre situation dans ce vaste bloc (plus de 2400 m² on le rappelle), c’est lourd et cafouilleux. La cata intégrale. Alors on ne va pas s’acharner sur ce Scénith, on va plutôt dire qu’il y avait certainement mieux à faire côté mixage, comme par exemple baisser le volume et rééquilibrer le son en défaveur des basses. Trop souvent les concerts de brutal death sont massacrés. Et y en a un peu marre.
Dans brutal death il y a « brutal », donc faut que ça envoie. OK. Mais le genre est aussi connu pour sa vitesse supersonique, sa technicité, la complexité des riffs de guitare et leur nombre. Un son déséquilibré, des problèmes de réverbération des fréquences, et c’est tout de suite la purée de cacahuètes. Ce soir nos oreilles suffoquent et pourtant, les metalheads sont plutôt nombreux à se déchaîner dans le pit. Face à ce mystérieux phénomène, nous cherchons une explication rationnelle. 1. C’est la preuve d’une invasion extraterrestre (c’est pas très rationnel). 2. Ce sont des inconditionnels du groupe ayant l’extraordinaire faculté de reconnaître les morceaux en toutes circonstances, OUI, reconnaître les morceaux (peu probable). 3. Ce sont des mecs qui – surtout après une douzaine de bières – adorent bouger sur un fond sonore composé de hurlements gutturaux, de guitares sous-accordées et de blast beats (possible). 4. Ce sont des mecs bourrés (possible également).
La tête basse, on retourne sur la X Stage qui jusqu’à présent ne nous a jamais déçus. Les mecs de A Wilhelm Scream (AWS) déboulent sur scène comme des morts de faim, sous l’impulsion de leur gaillard de chanteur, lequel arbore une casquette Municipal Waste à la visière relevée. Ça sent le truc foufou. En effet tappings de guitare survoltés et solos heavy metal flamboyants viennent rapidement se friter à un punk-hardcore un peu à la Strung Out… Non mais c’est quoi ce bordel qui c’est qu’a mis de la Kro dans la 8.6?!?! Ce premier sentiment d’incompréhension va vite s’évanouir. Les américains partagent avec Berri Txarrak un goût pour les changements de tempo et les power chords d’inspiration metal, mais jouent plus vite, dans une ambiance plus fun, et dans un style plus sophistiqué. Autre différence avec les basques qui les ont précédés ici même : le groupe est beaucoup plus attendu par les festivaliers! C’est donc le moment d’avouer que chez F&D on ne connaissait pas AWS. Du tout. Mais ça t’avais peut-être déjà pigé.
Comme hier pendant The Black Zombie Procession des gouttes tombent, mais c’est surtout une pluie de slams qui s’abat sur cette X Stage bénite. Ambiance de folie pour ce punk-hardcore d’un niveau technique assez ahurissant, blindé de mélodies gonflées aux hormones, peu enclin aux accalmies pop rock. On se demande comment tout cela est cohérent, enfin non on ne se pose aucune question en fait, c’est juste évident. C’est ça qui est fort. Au chant, le vindicatif Nuno Pereira (merci Wiki!) est une bête de scène qui réveillerait un mort électro-choqué par tant de fraîcheur. Ces punks voient plus loin que le bout de leur manche, shredders sans prétention, amoureux de la vie avant tout et se foutant pas mal des conventions. Tapping de basse en plein couplet pour « The Horse », ça galope comme s’il fallait vivre ce J2 comme le dernier. C’est passé vite comme pour l’enfant dont la notion du temps est très floue. Grosse claque. Faut dire qu’en ignorant totalement l’important répertoire d’AWS (un paquet d’album dans la besace tout de même), nous avions pris le risque d’une sévère correction.
Débordant à nouveau de vitalité, nous prend l’envie d’appuyer sur le champignon et de courir auprès de chaque scène en mouvement. Bien que l’heure fatidique de Converge approche on décide de faire un détour par la Zguen Stage sur laquelle Justin(e) ouvre son concert par des « Ça va la Palestine? Ça va Israël? ». Provocation punk à l’ancienne pour ces poils à gratter de la nouvelle génération punk française. Le poil bien rêche, clope et binouze parfaitement fondues dans une dégaine négligée, Alex (chant) compose un gouvernement utopique sous les applaudissements du public. La musique? En quelques titres les nantais nous ont convaincus avec leur punk rock à textes, énergique et hargneux. On a eu le groupe engagé, on a maintenant le groupe révolté. Et là encore ça fait du bien parce que le punk ça signifie quelque chose, c’est bien de le rappeler. Un son excellent et des refrains fédérateurs nous étirent des zygomatiques déjà bien en forme. Malheureusement Converge nous appelle. C’est dans ces moments-là qu’un festival à plusieurs scènes peut s’avérer cruel…
On pénètre à nouveau les portes du Scénith pour notre favori du jour : Converge. Paradoxalement on n’est pas très sereins, d’abord parce qu’on regrette un peu de rater la fin de Justin(e), ensuite parce que le son nous inquiète grandement après la mauvaise expérience Suffocation. Le hardcore rapide et chaotique du quatuor peut difficilement être apprécié dans des conditions d’écoute médiocres. Voilà presque dix ans qu’on n’a pas revu le légendaire groupe de Boston, acteur important de la scène new school des années 90, acteur majeur d’un hardcore dit « moderne » depuis Jane Doe (2001) – album qui a fait exploser sa notoriété. Il y aura toujours quelques détracteurs, parmi les puristes du hardcore ou ceux qui n’apprécient guère la personnalité de Jacob Bannon (qui porte aujourd’hui un haut North Face pas fondamentalement hardcore punk dans l’esprit). Mais si on s’en tient strictement à la musique on considère Converge comme l’un des meilleurs groupes actuels, toutes catégories confondues. Le dernier album en date, paru fin 2012, est une pure tuerie qui a réveillé notre désir de les voir sur scène.
Les premières minutes sont stressantes car on peine à reconnaître le crusty « Eagles Become Vultures ». Certes ce morceau a dix ans et n’est pas tout frais dans nos têtes. Mais c’est surtout le son qui nous plonge en apnée : la guitare de Kurt Ballou peine à trouver sa place dans cette salle qui résonne, tandis que les backing vocals de Nate Newton (basse) sont beaucoup trop puissantes. La voix de Converge est et DOIT être avant tout celle de Jacob Bannon! C’est d’ailleurs lui qui, par ses plaintes ou ses hurlements reconnaissables entre mille, sert parfois de bouée à nos oreilles qui tentent d’éviter la noyade. Bon il y a aussi les implacables breakdowns « à la Converge », frappes au napalm auxquelles il est impossible d’échapper; on se prend le premier tir au bout de deux minutes, on n’est pas restés groggy très longtemps! Voilà c’est parti pour une petite heure de show, dont la setlist se révèle intelligente – n’en déplaise aux fans de la première heure. Nos tympans se cramponnent (quelques décrochages), c’est souvent à la limite mais on courbe l’échine (putain c’est quand même Converge là), pour finalement saisir la substantifique moelle d’un concert… pas si mal finalement.
Bannon? Magnétique. Moins torturé et plus communicatif qu’auparavant, meilleur hurleur et chanteur. Ballou? Concentré dans l’exécution de ses riffs extravagants, tappings jubilatoires et micro-solos faisant de Converge bien plus que du mathcore ou du metalcore. La rythmique? Impitoyable, infernale. L’ambiance? Pas trop regardé à vrai dire. Par contre le coup poing dans le dos asséné par un mosher isolé, on l’a senti. Pas de bol car on est loin de la violence inouïe des concerts d’antan, tu sais quand fallait pas avoir peur de se faire marcher sur la gueule (au sens propre). En revanche les émotions sont toujours aussi intenses. « All We Love We Leave Behind » nous met la larme à l’œil (malgré les backing envahissantes de Newton), « Trespasses » massacre à la tronçonneuse nos cœurs attendris, « Grim Heart / Black Rose » (post-ballade sludgy sortie du placard) nous surprend agréablement avec son crescendo haletant et son final torride. Le génial « Glacial Pace » nous met la tête sens dessus dessous, puis « Heaven In Her Arms » et son refrain diabolique amorcent un retour en arrière : les cinq derniers morceaux mettent à l’honneur les mythiques Jane Doe et You Fail Me. Plaisir du fan, joie de recevoir.
La setlist :
Eagles Become Vultures
Aimless Arrow
Runaway
Axe To Fall
All We Love We Leave Behind
Trespasses
Grim Heart / Black Rose
Reap What You Sow
Glacial Pace
Heaven In Her Arms
Heartless
Concubine
Fault And Fracture
Last Light
Pas le temps de tirer de conclusion puisque un autre groupe de légende démarre sur la X Stage. Coïncidence ou clin d’œil de la programmation, Bane était au départ un side project de… Converge! Au-delà des différences musicales les deux formations ont connu des trajectoires distinctes. En comparaison la carrière de Bane s’est déroulée dans une relative discrétion, sans honneurs particuliers. Pas de star dans ce groupe dont la longévité et la fidélité à la scène hardcore lui ont tout de même offert le statut de « groupe culte ». D’ailleurs si ton fils de quatorze ans s’intéresse à la musique et te demande « Papa, c’est quoi le hardcore? », inutile de te lancer dans un cours d’histoire hasardeux : tu prends un skeud de Bane, appuies sur lecture avant de proclamer avec solennité : « Le hardcore, c’est ça, mon fils ». Alors il comprendra. Car depuis vingt ans ces éternels kids perpétuent instinctivement un hardcore positif, sensible, conscient mais résolument fun. Dévoués et pourtant libres comme une bande d’ados qui refusent d’être happés par la société. Le hardcore traditionnel, en somme.
Intro de « All The Way Through » : l’occasion pour Aaron Bedard (chant) de se livrer à l’une des danses guignolesques dont il a le secret. Aucune prétention chez ces mecs qui marchent à la passion. Pas aux drogues puisqu’ils sont straight edge. Au fric encore moins. Le look et la dégaine de beauf total de Bedard – sorte de Big Lebowski mais sans le verre de russe blanc – l’attestent. Fidèle à la tradition hardcore de proximité avec le public (fusion quand le lieu le permet), il ne tarde pas à se coller aux barrières pour tendre le micro au public. De là à parler de pile on il y a de la marge car ça ne se bouscule pas au portillon, malheureusement. Le public tarde à s’enthousiasmer mais ça finit par s’enflammer, et pour cause. La recette n’est pas nouvelle mais demeure tellement efficace : un chanteur à cœur ouvert dont la voix haut perchée est immédiatement reconnaissable, des chœurs puissants, un son rêche qui descend direct dans les pieds et les poings, une énergie héritée du youth crew des années 80, des mélodies, quelques breakdowns, de la tension, beaucoup de tension…
Pour représentatifs qu’ils soient d’un hardcore explosif et direct, les natifs du Massachusetts proposent une musique relativement riche et variée, avec par exemple de nombreux changements de tempo. Les morceaux peinent à s’enchaîner, mais ça c’est le côté décontracté du combo (y a peut-être un peu de fatigue aussi), car en vérité la scène a toujours été leur royaume. Du classique old school « Count Me Out » aux adieux déchirants de « Final Backward Glance », l’inépuisable flamme éclaire la nuit et nous chauffe le cœur. L’émotion est énorme. « Every Bane song is a love song », confesse Bedart. Cette année, Bane a annoncé sa fin, avec un nouvel album présenté comme le dernier, et le désir affirmé d’arrêter la scène… Sans pour autant fixer de date. Ces mecs-là vont-ils réussir à arrêter? Vraiment? On a du mal à y croire après ce concert court mais intense (normal pour du hardcore), qui a suscité l’admiration et l’extase (c’est déjà plus exceptionnel) d’un public pas assez nombreux.
En revanche c’est la foule des grands soirs dans le Scénith pour accueillir NOFX, le groupe le plus attendu de ce Xtreme Fest. Même en backstage c’est la cohue. Quelque part c’est logique : les californiens jouent un punk rock accessible, en plus d’être respectés du public punk pour leur attitude rebelle, leur longévité et la qualité constante de leurs albums. Quel lycéen en France, de 1995 à nos jours, n’a pas aperçu dans la cour de son établissement un T-shirt à l’effigie du groupe? Ou au moins vu le logo griffonné sur une table? Bon à la fac alors? Oui parce que NOFX, on continuera de les écouter, pendant la fac, après la fac, peut-être même un jour en maison de retraite. Ceci pour une raison simple : ce groupe est fichtrement bon. Ce soir le public est impatient, et nous avec, c’est pas tous les jours que tu peux voir NOFX à Albi. NOFX à Albi. NOFX à Albi. NOFX à Albi. Le quatuor déjanté se fait attendre. Ça commence à être un peu long. Ah ça y est les voilà, enfin! Accroché à son grand verre de vodka campari, l’œil hagard, Fat Mike commence à dire deux-trois conneries. On a beau connaître les lascars on croit d’abord à de la comédie. Mais en fait non : le bassiste/chanteur est vraiment bien éméché.
Et ça ne s’arrangera pas puisque son godet ne restera jamais vide bien longtemps. Miraculeusement, dès les premières notes de « 60% » qui ouvre le bal comme de coutume, ça tient la route. Faut dire que les trois autres semblent en meilleur état. Eric Melvin (guitare et dreadlocks) s’adonne même aux sauts de cabri qui le caractérisent. La fête peut donc commencer pour le public. Superbe ambiance au sein d’une foule compacte, en particulier lorsque surgissent les classiques du groupe : « Murder The Government », « Leave It Alone », ou « The Separation Of Church And Skate » (« best NOFX song » nous dit ce farceur de Fat Mike). NOFX est autant un groupe de « punk à roulette » que de « punk à crête », donc tout le monde est content. En plus ils ont décidé de flatter le public français avec « Franco Un-American », le standard « What My Love » (version punk-trompette du « Et Maintenant » de Bécaud) et surtout « Champs Elysées » (Mike n’a toujours pas appris les paroles). Quelques titres reggae/ska sont également au rendez-vous et nous permettent de souffler dans une fosse surchauffée. Plus d’une vingtaine de chansons, tout pour être heureux. Oui mais… Car il y a plusieurs « mais ».
Pour commencer, l’attitude désinvolte du groupe nous a un peu gonflés. Enfin celle de Fat Mike en particulier, pas très motivé ou trop défoncé. Le chanteur semble laisser de plus en plus les autres faire le boulot, comme sur « Stickin’ In My Eye » (le meilleur titre de NOFX selon F&D). Remerciements forcés, rappel un peu bidon, manque d’énergie (Melvin n’a pas sauté bien longtemps)… On a un peu l’impression que c’est service minimum ce soir, ce qui contraste avec l’excitation des Albigeois. Ensuite ce qui est pénible avec NOFX, c’est qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de faire les clowns, déconner entre eux, jacter et encore jacter (tout l’inverse des Sheriff hier). Ça fait partie de leur identité, et puis les mecs sont plutôt drôles, comme par exemple lorsqu’ils font des comparaisons musicales : « Punk rock : trumpet. Metal : no trumpet ». OK mais faudrait juste que quelqu’un se dévoue pour leur expliquer UNE BONNE FOIS POUR TOUTES que malgré le débarquement d’il y a 70 ans, les Frenchy – dans leur immense majorité – NE SONT PAS bilingues. Leur blabla fait peut-être un malheur du côté de San Francisco, mais ici 95% des spectateurs s’en tamponnent le coquillard! Donc voilà à la place de tout ce cirque quelques morceaux en plus ç’aurait été sympa. « Don’t Call Me White », par exemple.
NOFX avait commencé en retard et finit donc en retard, vite vite vite on se dépêche de sortir car Red Fang envoie déjà des décibels sur le X Stage, en clôture de cette seconde journée. On avait récemment raté les barbus de Portland lors de leur passage à Toulouse, voici une belle occasion de les découvrir sur scène. Bonne idée de caser du stoner metal en cette heure tardive, ce changement de style impulse une nouvelle dynamique alors qu’on s’est rincés au punk et au hardcore tout l’après-midi. Aucun sentiment de fatigue ni de lassitude. Première impression : le son poutre comme un vieux bucheron de l’Oregon habitué à couper du séquoia à la hache. Brut et massif! Au début la basse nous semble même un peu too much. Là c’est plus que du stoner, c’est du sludge, les enfants! Seconde impression : les mecs sont super impliqués. Ça tranche avec le concert précédent. Le duo vocal Aaron Beam – Bryan Giles convainc avec des lignes de chant limpides, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque les groupes du genre quittent la magie des studios. Si la Fange Rouge est une valeur montante de ces dernières années, c’est qu’il y a des raisons.
Le mot d’ordre du groupe, c’est l’efficacité, via des riffs directs et puissants, une section rythmique en béton, et des mélodies vocales accrocheuses. On n’est pas loin de la mosh part sur le très agressif « Malverde ». Efficacité toujours avec « Blood Like Cream », tube façon Queens Of The Stone Age, en plus heavy bien sûr. Le stoner-punk hyper rentre-dedans de « No Hope » finit même par déclencher un pogo. Enfin! On dit ça mais en fait, pas facile d’aborder la musique de ce quatuor qui ne choisit pas entre feeling metal ou rock’n’roll, l’ombre ou la lumière (le ciel s’obscurcit souvent pour du stoner), l’humour ou le sérieux. Ayant visionné leurs clips comiques on est un peu surpris par tant de professionnalisme ce soir. Comme quoi il en faut peu pour faire naître un préjugé. L’intro en feedback de « Prehistoric Dog » opère un lavage de cerveau et désormais, on se lâche complètement. Mais la fin arrive, les 45 minutes se sont trop vite écoulées, le public en délire n’a pu arracher qu’un petit rappel. Il est environ 1h30 du matin mais on reprendrait bien du dessert. Quelle fantastique journée, tout de même. Il est temps de regagner nos pénates, dans le silence anachronique de la campagne tarnaise.
Photos : ♦atreyu64♦ Pour plus de photos de ce Jour 2 c’est par là!
Texte : ♠adrinflames♠ et ♦atreyu64♦
Excellentes photos (wouhaaaouuu!!!!) et excellent report une nouvelle fois!!!
J’attend le Jour 3 maintenant huhu!!! 😉
Baba
Merci beaucoup, ça fait tellement plaisir d’avoir des retours positifs! Pour le J3 on fera sûrement plus court…
Pas de soucis! C’est vous les artistes qui bossent dur! Oui on est pressé certes mais on est compréhensif (je parle au nom de tous mais je ne pense pas être loin de la vérité).
Baba.
Excellent report une fois une plus, l’attente valait le coup !